Allez, encore un bon mythe néoconservateur à casser.
À la question de Frédéric Lenoir :
"Pour en revenir à la pauvreté dans le monde, je voudrais faire une nouvelle fois allusion au livre du Danois Bjorn Lomborg1, qui affirme que tout va mieux sur la terre, que la pauvreté a plus régressé au cours des cinquante dernières années que dans les cinq derniers siècles et que, pour preuve, l'espérance de vie sur la planète est passée de 30 à 67 ans au cours du XXe siècle. Ces stastiques ne viennent-elles pas contredire le cri d'alarme contre l'accroissement de la misère dont vous vous faites l'écho ?"
Hubert Reeves répond:
"Un immense fossé s'est creusé entre les pays du Nord et ceux du Sud et, au sein même de ces régions, entre les plus riches et les plus pauvres. On ne souffre plus de famine en Europe ni en Amérique du Nord, les soins médicaux se sont améliorés et, en conséquence, l'espérance de vie s'est considérablement allongée.
Telle n'est pas la situation dans bien d'autres pays du monde. Faute de soins et de vaccinations2, 11 millions d'enfants de moins de 5 ans succombent chaque année3.
Une épidémie comme celle du sida illustre bien ce propos4. Tandis qu'elle cause de moins en moins de décès en Occident, grâce à l'usage de médicaments appropriés, on va vers une gigantesque hécatombe en Afrique, dans certains pays d'Asie - notamment en Chine - et dans l'ex-URSS. Autant de régions où les populations n'ont pas accès aux thérapies coûteuses qui permettraient de sauver des centaines de millions de vies. Résultat : dans les régions défavorisées, l'espérance de vie des humains diminue depuis une décennie, en particulier en Afrique, où elle est maintenant de 45 ans5, et dans l'ex-Union soviétique. [...]
En Afrique équatoriale le nombre d'enfants affamés s'est accru au cours des deux dernières décennies6. On prévoit que, en 2025, cinq des huit milliards d'humains souffriront de maladies engendrées par la pollution de l'eau et que vers 2050 plus de 50% de la population sera passée en deçà du seuil de pauvreté. On voit se profiler un avenir où une population de plus en plus réduite, profitant d'un luxe toujours plus grand, se barricadera en ghettos aseptisés et armés contre une population immense de déshérités qui tentera de survivre et de lutter contre la faim et la maladie dans un environnement toujours plus dégradé... [...]
Le grand défi, auquel l'humanité est aujourd'hui confrontée, c'est de mettre en oeuvre un développement économique durable qui ne laisse pas au bord de la route des populations entières du globe et qui respecte les équilibres naturels de la Terre. C'est loin d'être impossible : cela demande simplement une volonté politique concertée des États industrialisés."
1. Bjorn Lomborg, The Skeptikal Environnementalist. Measuring the Real State of the World, Cambridge University Press, 2001.
2. Selon la World Health Organization, seulement 5% des dépenses de recherche biomédicale portent sur les maladies affectant 95% des gens pauvres.
3. Rapport du Programme des Nations unies pour le développement, Cedres, 2001.
4. "AIDS erodes decades of progress", Vital Signs, 2001.
5. Autour de 45 ans au lieu de 67 ans en moyenne, et en baisse depuis 1990; voir "Life expectancy in Africa", Vital Signs, 1999, p. 100.
6. Mai 2002 : le Programme des Nations unies pour l'environnement publie son "Troisième rapport sur l'avenir de l'environnement mondial".
Hubert Reeves, Mal de Terre, chapitre "Le spectre de la misère planétaire".
Thursday, September 11, 2008
Tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes !
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