Saturday, November 29, 2008

Casseurs de pub

Un très bon réquisitoire contre la pub.
Morceaux choisis :

"Nous nous « humanisons » grâce à certaines « valeurs » : les valeurs qui motivent notre engagement sont la liberté, l’égalité, la fraternité, comme il est écrit sur le fronton des mairies de notre pays, mais aussi l’amitié, le partage, la tolérance et le respect de la différence, ou encore le souci des plus faibles d’entre nous. Les seules valeurs de la pub ce sont le fric, la compétition, la loi du plus fort. [...]

C’est ainsi qu’ils font basculer la société entière dans la consommation. Une société où la consommation n’est plus un moyen mais une fin en soi. Une société qui sacralise le profane – la science, la consommation ou l’argent, et qui profane le sacré, c’est-à-dire les valeurs : la Liberté, l’Égalité ou la Fraternité. La pub fait tout pour nous faire oublier que nous sommes des êtres humains. Elle nous réduit à l’état de consommateurs malades et toujours plus voraces. [...]

Pour nous manipuler les publicitaires affirment que nous sommes suffisamment intelligents pour ne pas être influencés par la pub. Dans ce cas, à quoi sert la pub, dont la raison d’être est de vanter un produit, d’influencer notre avis par la mise en scène de messages publicitaires savamment composés, si ce n’est à nous pousser à choisir telle marque plutôt que telle autre ? La rhétorique des publicitaires est la même que celle des fabricants de cigarettes, d’alcool ou d’armes, d’ailleurs les publicitaires travaillent souvent pour eux. Les publicitaires disent que ceux qui critiquent la pub prennent les gens pour des imbéciles. À nouveau, en utilisant ce type d’argument, les publicitaires s’en prennent directement à l’Homme. Car si ce qui définit l’Homme est sa liberté, sa faiblesse caractérise son humanité. Nous sommes humains donc manipulables, influençables, conditionnables. [...]

Pourquoi la pub est-elle une machine à casser la nature ? Parce que la pub pousse les gens à consommer toujours plus. La publicité sert à inventer de faux besoins pour écouler la production toujours croissante d’objets du système industriel. La planète ne peut plus soutenir la boulimie des pays riches. Les ressources naturelles sont surexploitées pour produire ces objets qui deviendront autant de déchets polluants. [...]

La « culture pub » n’existe pas, la pub c’est l’anticulture. La culture nous humanise, elle réenchante le monde. La pub réduit l’Homme à un tube digestif dont l’unique fonction est de consommer. [...]"

Casseurs de pub.

Thursday, November 27, 2008

Ni ange ni bête

"L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête.*

J'en ai fait l'expérience. J'ai longtemps couru vers une sainteté exemplaire, conformément au modèle que je me faisais de Thérèse d'Avila, la grande mystique. Je me battais contre le mur de mes défauts et j'enrageais de rester en échec. J'oserais dire que c'est un cas classique, je l'ai souvent rencontré. Il me semble même que la perfection d'une morale laïque, comme celle d'André Comte-Sponville, ne peut aboutir. Pourquoi ? Tout simplement parce que c'est vouloir sortir de la condition humaine. Il m'a fallu des années pour me rendre compte que je portais en moi, dans ma peau, dans mon corps, mon coeur, mon âme, un noyau inextricable de bon et de mauvais."

Soeur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert ?, chapitre "Tout est un, l'un est en l'autre, comme les Trois Personnes".

* Blaise Pascal, Pensées.

Tuesday, November 25, 2008

Ce que l'amour est

"L'amour est mystère : il n'est ni ici ni là. Il est mystère parce qu'il est "mouvement". Et il est mouvement parce qu'il est relation. La relation, cela ne se laisse pas saisir, ni maîtriser, ni posséder. La relation, elle ne tient ni à toi, ni à moi, mais au mystère entre nous. Elle est la réciprocité du mouvement de chacun qui sort de soi vers l'autre."

Soeur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert ?, chapitre "Le mouvement d'amour".

Monday, November 24, 2008

Travailler à son propre bonheur et à celui des autres

"L'acte pur, le don gratuit à 100 %, existe-t-il ? La réponse est non. Notre nature cherche son épanouissement. Elle contient en elle-même la soif de jouir et de posséder, de "se faire mousser", comme elle contient aussi l'élan du don, du service, de la compassion. Tout cela est inextricable. L'idéal, me semble-t-il, est de travailler dans le même mouvement à son propre bonheur et à celui des autres. Ne te creuse pas trop la tête, Emmanuelle, essaye de t'oublier davantage en cessant d'être obnubilée par tes propres contradictions. Essaye de t'accepter, humaine, pétrie de grandeur et de misère. Reçois-toi telle que tu es, tout bonnement, en tirant la meilleure part de tes défauts comme de tes qualités. Et yalla, en avant pour le service !"

Soeur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert ?, chapitre "Le mouvement d'amour".

Thursday, November 20, 2008

Ce que l'amour n'est pas

"Mais c'est la vie de couple, surtout, qui n'est pas satisfaisante. Parfois, ça colle très bien, mais souvent, ça ne marche pas. En effet, les manières d'aimer de l'homme et de la femme sont différentes. Or chacun attend d'être aimé à sa manière, chacun souhaite que l'autre réponde à ses propres attentes. On ne sort pas du cercle de l'ego. Beaucoup d'amours ne sont ainsi que des mouvements de soi à soi.
Pour autant, la charité est-elle le mouvement inverse ? Serait-elle à chercher dans une sorte d'oubli de soi, de négation de ses propres attentes, de ses désirs ? On me parle de sacrifice, ça me fait rigoler ! Quand on aime, il n'y a pas de sacrifice, mais une dilatation. Le sacrifice, c'est encore de l'égoïsme pur. Celui ou celle qui prétend se sacrifier ne fait que construire l'idole de soi-même, sa statue héroïque de sainte-Nitouche que les autres doivent élever sur l'autel dressé à sa propre gloire."

Soeur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert ?, chapitre "Le mouvement d'amour".

Tuesday, November 18, 2008

L'ordre infini de l'amour

"Tous les corps ensemble, et tous les esprits ensemble, et toutes leurs productions, ne valent pas le moindre mouvement de charité. Cela est d'un ordre infiniment plus élevé."

Blaise Pascal, Pensées, cité par Soeur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert ?, chapitre "Le mouvement d'amour".

Sunday, November 16, 2008

La métaphore de l'enfance

"La sagesse nous envoie à l'enfance.* [...]

La métaphore de l'enfance signifie un état, et non un âge, qui ne connaît pas la libido, qui n'est pas inconsciemment avide de s'emparer de la jouissance, de s'emparer de l'autre, mais qui s'offre ingénument, avec confiance. Cet état ne dépend pas des années brèves ou longues, il se manifeste chez celui ou celle qui fait l'expérience de la faiblesse, de l'impuissance radicales et inhérentes à la nature humaine. Vanité, néant que les possessions de la matière ! Elles m'avaient éblouie. Vanité même que les acquisitions de la raison raisonnante ! Elles avaient été ma fierté.
J'allais vivre enfin l'esprit d'enfance pour sortir du doute et du divertissement, pour combler le vide qu'ils avaient créé en moi. Je reprends doucement, sereinement, les étapes passées de mon itinéraire. Je constate que l'étau du vide s'est desserré chaque fois que ma vie a pris le sens du service et du partage. [...]

Bienheureux ceux qui, sans relâche, deviennent enfants ! Ils se libèrent et se livrent à l'infini de l'amour."

Soeur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert ?, chapitre "Libération".

* Blaise Pascal, Pensées

Wednesday, November 12, 2008

Plaisir ou bonheur ?

"Le jour vient où, entre le plaisir et le bonheur, il faut choisir."

Soeur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert ?, chapitre "Jouir".

Monday, November 10, 2008

Economics needs a scientific revolution

Today, I read in last week's issue of Nature an excellent short essay about economics science, written by Jean-Philippe Bouchaud, head of research of Capital Fund Management and a physics professor at École Polytechnique in France. Extracts :

"Compared with physics, it seems fair to say that the quantitative success of the economic sciences has been disappointing. Rockets fly to the Moon; energy is extracted from minute changes of atomic mass. What is the flagship achievement of economics? Only its recurrent inability to predict and avert crises, including the current worldwide credit crunch.

Why is this so? Of course, to paraphrase Isaac Newton, modelling the madness of people is more difficult than modelling the motion of planets. But statistical regularities should emerge in the behaviour of large populations, just as the law of ideal gases emerges from the chaotic motion of individual molecules. To me, the crucial difference between modelling in physics and in economics lies rather in how the fields treat the relative role of concepts, equations and empirical data.

Classical economics is built on very strong assumptions that quickly become axioms: the rationality of economic agents (the premise that every economic agent, be that a person or a company, acts to maximize his profits), the 'invisible hand' (that agents, in the pursuit of their own profit, are led to do what is best for society as a whole) and market efficiency (that market prices faithfully reflect all known information about assets), for example. An economist once told me, to my bewilderment: "These concepts are so strong that they supersede any empirical observation." As economist Robert Nelson argued in his book, Economics as Religion (Pennsylvania State Univ. Press, 2002), the marketplace has been deified.

Physicists, on the other hand, have learned to be suspicious of axioms. If empirical observation is incompatible with a model, the model must be trashed or amended, even if it is conceptually beautiful or mathematically convenient. So many accepted ideas have been proven wrong in the history of physics that physicists have grown to be critical and queasy about their own models. [...]

The supposed omniscience and perfect efficacy of a free market stems from economic work done in the 1950s and 1960s, which with hindsight looks more like propaganda against communism than plausible science. In reality, markets are not efficient, humans tend to be over-focused in the short-term and blind in the long-term, and errors get amplified, ultimately leading to collective irrationality, panic and crashes. Free markets are wild markets. [...]

Surprisingly, classical economics has no framework through which to understand 'wild' markets, even though their existence is so obvious to the layman. Physics, on the other hand, has developed several models that explain how small perturbations can lead to wild effects. The theory of complexity shows that although a system may have an optimum state, it is sometimes so hard to identify that the system never settles there. This optimum state is not only elusive, it is also hyper-fragile to small changes in the environment, and therefore often irrelevant to understanding what is going on. There are good reasons to believe that this paradigm should apply to economic systems in general and financial markets in particular. We need to break away from classical economics and develop completely different tools. Some behavioural economists and econo-physicists are attempting to do this now, in a patchy way, but their fringe endeavour is not taken seriously by mainstream economics.

While work is done to enhance models, regulation also needs to improve. Innovations in financial products should be scrutinized, crash-tested against extreme scenarios outside the realm of current models and approved by independent agencies, just as we have done with other potentially lethal industries (chemical, pharmaceutical, aerospace, nuclear energy).

Crucially, the mindset of those working in economics and financial engineering needs to change. Economics curricula need to include more natural science. The prerequisites for more stability in the long run are the development of a more pragmatic and realistic representation of what is going on in financial markets, and to focus on data, which should always supersede perfect equations and aesthetic axioms."


Sunday, November 9, 2008

Limites de l'action

"Il est juste et bon d'agir, mais il est bon aussi de se rendre compte des limites de l'action et d'accepter de n'être qu'humain, fini. Le cercle infernal est alors brisé, le cercle du perfectionnisme, le cercle de la course aux résultats, à l'efficacité. Vient alors l'action équilibrée, sereine, qui a renoncé à l'idéalité."

Soeur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert ?, chapitre "Jouir".

Le problème est que notre mode de vie, basé sur la compétition, nous pousse à cette course aux résultats, à l'efficacité, à devenir des "sur-hommes". L'action sereine est-elle possible, pour qui veut survivre dans notre monde de fous ?

Thursday, November 6, 2008

Limites de la raison

"L'argument concret de l'existence tempérait l'échec du raisonnement abstrait. [...]
Le Dieu vivant qui se révèle à l'homme vivant ne se trouve ni à force de raisonnement ni au bout d'une lorgnette. Croyant ou non croyant, il faut se méfier d'un pur intellectualisme, évasion du réel et de l'action. Croyant ou non croyant, il faut se méfier de l'impérialisme de la raison. Livrée à sa seule puissance, la raison se croit capable de tout, de tout embrasser, de tout maîtriser. Ce qui m'a sauvée, c'est de me heurter aux limites de la raison et de, finalement, y consentir."

Soeur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert ?, chapitre "La raison paradoxale".

Je suis conscient des limites de la raison, notament qu'elle ne permet pas de prouver ni réfuter l'existence de Dieu. Mais pour croire, il me manque "l'argument concret de l'existence"...

Tuesday, November 4, 2008

Wind of change

Tonight, this chorus from the Scorpions song "Wind of change" keeps playing in my head:

"Take me to the magic of the moment
On a glory night
Where the children of tomorrow dream away
In the wind of change"

Tonight, I am proud of the American people !
Obama, there are so many things to change, I count on you.

Monday, November 3, 2008

La soif de domination

"Jetons d'abord un regard sur la fascination du pouvoir, cette soif de domination dont on retrouve les ravages en tout temps et en tout lieu. Quelle lutte implacable pour devenir le leader incontesté d'une entité politique, religieuse, industrielle, mafieuse ou même familiale ! Tous les moyens sont bons pour écraser l'adversaire ou le gêneur. Nous sommes là, pour ainsi dire, au commencement du monde : "Caïn se jeta sur son frère Abel et le tua" (Genèse 4, 8). Cette fièvre qui monte au cerveau ne surgit-elle pas d'un instinct primaire de meurtre, d'élimination de l'autre, ancré dans la chair au point d'étouffer l'esprit ?"

Soeur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert ?, chapitre "La pensée et la matière".

Au risque de choquer, je dirais que ceci décrit parfaitement les motivations ultimes que je vois derrière la compétition, quelle qu'elle soit, et ce pourquoi j'en suis venu à l'abhorrer. Je la tolère lorsqu'il s'agit de jouer (sports, échecs, etc ...), mais je la dénonce lorsqu'il s'agit de pouvoir subvenir à ses besoins vitaux, ce qui nous ramène tout simplement à la loi de la jungle.

Saturday, November 1, 2008

Un esprit sain dans un corps sain

"C'est une fausse piste - et combien décevante ! - que de vouloir sortir de notre contradiction essentielle en niant en nous la bête, le corps, la matière. J'en sais quelque chose. Toute une partie de ma jeunesse religieuse, j'ai lutté pied à pied contre les "tendances de la chair", que je croyais coupables. Je me forçais à peu manger, à moins dormir, à me donner la discipline. Résultat : j'étais de plus en plus tendue, sur les nerfs. Je perdais facilement patience et devenais désagréable avec mes élèves. Jusqu'au jour où un confesseur intelligent me fit comprendre que, loin que les pulsions constituent des péchés, elles font partie de la nature humaine et ne sont en soi ni bonnes ni mauvaises. Il s'agissait, plutôt que d'entrer en lutte avec elles, de les gérer en agissant d'abord sur le corps lui-même : avoir une nourriture saine et suffisante, équilibrer son sommeil, faire du sport."

Soeur Emmanuelle, Vivre, à quoi ça sert ?, chapitre "La pensée et la matière".

Je suis content d'entendre ça de quelqu'un comme Soeur Emmanuelle !
C'est un des seuls aspects de la philosophie de Gandhi avec lequel je ne suis pas d'accord, à savoir qu'il faut renoncer aux plaisirs de la chair car ils abaissent l'âme. Gandhi avait fait voeu de ne plus faire l'amour avec sa femme et ne mangeait rien d'épicé, par example.
Pour moi si nous avons des sens qui peuvent nous donner des sensations agréables, c'est bien pour en profiter, il faut simplement faire attention de n'en pas devenir esclave.