Wednesday, June 11, 2008

Démocratie et écologie

"On peut se demander si la démocratie, qui est le pire des systèmes, à l'exclusion de tous les autres*, est la bonne plate-forme politique pour jeter les bases d'une gouvernance environnementale et économique mondiale.

Les démocraties vivent sur une culture de court terme, de compromis sinon de clientélisme. Ceux qui nous gouvernent ne sont pas fondamentalement plus éclairés ou plus compétents que leurs électeurs, ils exécutent leurs désirs souvent recueillis par des sondages d'opinion au fil de l'eau. Les élites font davantage dans le registre d'une gouvernance compassionnelle que dans la promotion d'un courage politique. Ceux qui gouvernent entretiennent notre schizophrénie, enregistrent nos plaintes et flattent notre immaturité mais ne sont certainement pas chargés de promouvoir un autre projet de société. Infantilisés, nous nous tournons pour régler les problèmes vers nos dirigeants, lesquels en retour n'ont qu'une crainte, celle de nous déplaire !
Les élus ne sont pas responsables de notre inertie. Trop gâtés, les citoyens en démocratie ? Oui, assurément trop habitués au confort matériel, au repli narcissique et à l'indigence intellectuelle, les citoyens des régimes démocratiques n'ont plus faim, ils sont gavés et infantilisés, allergiques aux mots qui font peur: rigueur, faillite, effort, rupture, guerre. Mais aussi don, générosité, partage. Comment trouver la lucidité et le courage pour changer radicalement et militer pour une restructuration fondamentale ? Les démocraties sont myopes, vieillissantes et faibles. Quand on mesure la difficulté pour ces pays de recevoir le Dalaï Lama chez eux** ou de contrôler des sites nucléaires, on peut émettre des doutes sur notre capacité à proposer un projet de civilisation.

Depuis l'Europe, nous oublions à quel point le monde est jeune et en effervescence. Il faudra faire toute sa place à cette jeunesse qui sera en première ligne et lui donner les moyens de s'exprimer, d'agir. Les non-décisions qui sont prises aujourd'hui, le sont par des élites vieillissantes et technocratiques, nourries au mythe du progrès, repliées sur elles-mêmes. Nos dirigeants ne portent aucun projet, ne transmettent aucun message à la hauteur de l'enjeu. Il faudra entendre notre jeunesse, même si en matière de droits de vote il est plus intéressant de choyer les anciens.

Mais, en dépit de toutes ses faiblesses, les régimes démocratiques sont les mieux armés pour diffuser l'information, initier des réflexions et parfois prendre les devants comme le fait en ce moment l'Union européenne avec le Protocole de Kyoto qu'elle tient à bout de bras. La priorité est bel et bien d'éduquer, d'expliquer sans relâche, de prendre l'information à la source, d'écouter ceux qui savent, de convaincre, et surtout d'inventer... C'est uniquement dans un cadre démocratique que pourront se mobiliser les citoyens pour bâtir progressivement une nouvelle gouvernance mondiale. Aucune autre structure n'est en mesure de le faire. Pacifiquement, il n'existe aucune autre alternative."

Geneviève Ferone, 2030, le krach écologique, chapitre "Une communauté de destins".

* cette citation est de Winston Churchill:
"Democracy is the worst form of government, except for all those other forms that have been tried from time to time" (source: article Démocratie de Wikipedia).

** quand je pense que notre ex-premier ministre Jean-Pierre Raffarin a critiqué le maire de Paris Bertrand Delanoë pour avoir récemment décerné le titre de citoyen d'honneur de la Ville de Paris au Dalaï-Lama, tout ça par peur que les Chinois boycottent les produits français parce qu'on a osé protester contre la répression brutale d'une manifestation tibétaine juste avant les Jeux Olympiques. Quand le commerce passe avant les principes...

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