"Le mot « socialisme » ne manque pas de beauté, car, si je ne m'abuse, il évoque l'idée d'une société dont tous les membres sont égaux sans qu'aucun ne soit grand ni petit. Dans le corps humain, la tête n'est pas supérieure au reste parce qu'elle occupe la position la plus haute. Il en est ainsi pour les membres d'une société.
Dans l'esprit du socialisme, le prince et le paysan, le riche et le pauvre, le patron et l'ouvrier sont sur un pied d'égalité. Pour reprendre un terme religieux, on pourrait dire que le socialisme ignore tout dualisme. Il veut l'unité parfaite. Si on jette un coup d'oeil sur les différentes sociétés qui existent dans le monde, on ne voit que dualité ou pluralité. L'unité, elle, brille par son absence... L'unité, selon mes propres vues, peut être parfaite sans empêcher une pluralité de modèles. [...]
Le socialisme, tel que je le conçois, a la pureté du cristal. Il exige par conséquent des moyens tout aussi purs pour arriver à ses fins. Des moyens impurs ne peuvent conduire qu'à une fin impure. Ce n'est pas par l'échafaud qu'on peut établir une véritable égalité entre le paysan et le prince, ou entre le patron et son employé. Le mensonge ne saurait conduire à la vérité. Seule une conduite véridique peut aboutir à la vérité. Peut-on dire que la non-violence et la vérité se ressemblent comme des frères jumeaux ? Absolument pas. L'une et l'autre sont indispensables pour former un tout unique. C'est pourquoi, parfois, on les compare aux deux faces d'une même pièce de monnaie. L'une est indissociable de l'autre. La valeur de la pièce est la même quel que soit le coté qu'on regarde et pourtant, d'une face à l'autre, les inscriptions diffèrent. Mais pour arriver à cette parfaite unité il faut une grande pureté. Que l'esprit ou le corps recèle une seule impureté et aussitôt le mensonge et la violence viennent y faire leur demeure.
En conséquence, seuls des socialistes, purs de coeur, non-violents et véridiques sauront bâtir une société authentiquement socialiste en Inde et dans le monde."
Mohandas Gandhi, Tous les hommes sont frères, chapitre "La fin et les moyens".
Je savais que Gandhi devait être socialiste, comment en aurait-il été autrement ? Sa phrase "Des moyens impurs ne peuvent conduire qu'à une fin impure" résume très bien les raisons de l'échec du communisme. Alors, 60 ans après la mort de Gandhi, nous est-il encore permis d'espérer pouvoir vivre un jour dans une société authentiquement socialiste, ou bien cette idéal est-il à ranger au rayon des utopies ?
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3 comments:
Quelle est ta définition moderne du socialisme? De l'eau a coulé sous les ponts depuis 60 ans et beaucoup de choses dites socialistes sont soit rentrées dans les moeurs, soit enterées à jamais par les gens de tout bord.
"égalité", ce mot mériterait d'avoir, comme la neige chez les esquimaux, de nombreuses déclinaisons en fonction du type d'égalité dont on parle.
Nous sommes tous différents et sans doute pas égaux. L'un est beau, l'autre moins. Cette inégalité ne peut guère être comblée pourtant cela pourrait être souhaitable (car le moins beau souffre de la concurrence du beau, toutes choses égales par ailleurs).
En me promenant dans la forêt, je trouve parfois des fraises des bois. Je les ramasse quand elles sont mûres et je les mange ou les partage avec ma famille. Certains ne les reconnaissent pas et passe à côté sans les voir.
Inégalité fondamentale encore une fois. Devrait-elle être comblée ? Impossible, partager une poignée de fraises avec le village est absurde, personne ne sentirait le le goût tant la portion serait petite.
Le socialisme, la recherche de l'égalité... ce sont des valeurs qui me parlent mais en y réfléchissant bien, la question de la définition est fondamentale. Je ne me reconnais pas dans les socialistes qui ne recherchent que le pouvoir et au final auraient un impact bien peu différent des supposés libéraux...
François: ma définition n'est pas moderne du tout, ce qui s'en rapproche le plus d'après ce que je viens de lire sur wikipedia est l'Utopian Socialism. De l'eau a coulé sous les ponts depuis 60 ans, mais je ne crois pas que les aspirations des gens aient fondamentalement changé. Les miennes sont les mêmes que celles des socialistes dit "utopiques", et tous les échecs qui ont eu lieu depuis ne changent pas pour autant mon idéal de ce que la vie en société devrait être si nous voulions vraiment mériter la qualification de "civilisés". Evidemment cela restera une utopie tant que tous les gens ne deviendront pas purs et désintéressés...
Davy: bien sûr personne n'est égal en ce qui concerne les attributs que la nature nous a conféré. Et c'est justement pour cela qu'une société authentiquement civilisée se doit de compenser les injustices naturelles autant que possible, en faisant contribuer chacun suivant ses possilibités pour que tous puissent jouir de conditions de vie décentes. Si tu es doué pour ramasser des fraises, tu n'es sûrement pas le seul du village, et en mettant tous les villageois à contribution, chacun pourrait manger quelques fraises le soir, même ceux qui n'arrivent jamais à en trouver. Il se peut que ceux-là soient doués pour d'autres activités où tu serais une brêle, et t'en fassent profiter. Et même si certains villageois ne sont doués pour rien, ils peuvent toujours apporter une contribution, même minime, et ont à mes yeux autant droit à une vie décente que le cador du village.
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