Sunday, February 17, 2008

Morale et évolution

"L'altruisme et la coopération posent la question fondamentale de la réversion: pourquoi la loi de la jungle n'existe-t-elle pas chez les humains ? Pourquoi ne favorisent-ils pas l'élimination des plus faibles ? Seuls les barbares ou les nazis cherchent à supprimer les handicapés.
La réponse se trouve chez Darwin.[...]
La morale devient un effet de l'évolution qui conduit paradoxalement à résister à l'élimination des moins aptes. Dans La Filiation de l'homme (1871), Darwin souligne que le haut niveau de nos capacités intellectuelles et les instincts sociaux sont, avec d'autres sentiments, comme la compassion apportée aux faibles, le regret, le remords, bref, la culture, un héritage animal que l'évolution a développé. La morale a apporté à l'homme un avantage adaptatif décisif. «Le secours aux démunis, l'aide aux handicapés en compensant leurs handicaps, multiplient les liens avec autrui dans un horizon sans cesse grandissant.»* Autrement dit, pour reprendre un mot de Patrick Tort, «la sélection naturelle sélectionne la civilisation qui s'oppose à la sélection naturelle. Pour cette raison, l'homme est un aboutissement - et une impasse». Ainsi, au fur et à mesure de l'évolution, apparaissent des comportements anti-éliminatoires et antisélectifs qui éloignent l'homme de son origine animale et assurent son triomphe. La morale est ainsi «une antinature issue de la nature elle-même».*

* Yvon Quiniou, «L'effet réversif de l'évolution», in Sciences et Avenir, hors-série, mai 2003.

Bernard Maris, dans l'Antimanuel d'économie. 2. Les cigales, chapitre "Les infortunes d'homo oeconomicus: la servitude volontaire".

3 comments:

Davy said...

So what ? Qu'en penses-tu ? Perso sans verser dans l'éuegénisme, je trouve qu'on fait vivre, qu'on force à vivre un certain nombre d'être terriblement déformés (je pense à certains grands prématurés complètement débiles car pas finis) aù-delà de toute raison : qui dans l'affaire est heureux ? Les parents qui galèrent ? Les enfants qui vivent unevie peu enviable ? Les médecins qui ont réalisé une prouesse médicale ? Les cathos pour qui une vie de plus est toujours bonne à prendre ?
Je suis un partisan du laisser-mourir, en début de vie comme en fin de vie.

danielbroche said...

quelle est cette drôle de tendance que de partir d'une loi scientifique valable dans un cadre donné puis de l'extrapoler dans le domaine de la morale ou de la politique sans jamais vérifier que les hypothèses de base sont transposables elles aussi ?


si la loi du plus fort ne s'applique pas au quotidien chez les hommes c'est tout simplement parce que nous nous sommes débarrassés de tous nos prédateurs !
Pour que Darwin s'applique il faut des populations données de proies et prédateurs !

Regarde les situations de guerre, de famine ou de pandémie et tu verras que Darwin ne s'applique que trop même à l'homme

Cedric said...

Davy -> j'aurais tendance à penser comme toi sur ce point, qu'il est inutile de faire vivre malgré elles certaines personnes, comme des bébés dont le dévelopement ne s'est pas fini irréversiblement, ou des personnes agées ou blessées dont on prolonge le comas indéfiniment. Le problème est où tracer la limite ? S'il y a une chance non négligeable que le bébé finisse son dévelopement en couveuse, ou que le comateux se reveille, que décider ?
Mais l'object de cette citation est autre: il s'agit simplement des personnes faibles par nature ou par accident (santé fragile, handicap moteur, ...), qui seraient éliminées si les hommes étaient régis par la loi de la jungle, mais qui ont autant le droit de vivre et d'être respectés que n'importe qui d'autre (voir par example ce post).

Dany -> Mais c'est justement Darwin qui propose cette thèse (en tout cas d'après Bernard Maris, je n'ai pas lu La Filiation de l'homme pour confirmer) ! La théorie de Darwin dit simplement que la pression de l'environement favorise les espèces les plus aptes, et non les individus les plus forts. Les dinosaures étaient très forts, ils ont néanmoins disparu. Darwin propose donc que si l'homme a développé des capacités intellectuelles et de forts instincts sociaux, c'est parce que cela lui a conféré un avantage sur les autres espèces. Bien sûr le contraire peut être vrai: c'est parce que l'homme a des capacités intellectuelles supérieures aux autres espèces qu'il a pris le dessus, s'est débarassé de ses prédateurs, et a donc pu développer ses sentiments moraux, comme tu le proposes. Mais cela n'explique pas pourquoi l'homme a eu des capacités intellectuelles supérieures aux autres espèces en premier lieu, sauf à invoquer des raisons théologiques du style "l'homme a été crée à l'image de Dieu"...
Quant aux guerres, famines ou pandémies, je crois qu'elles révèlent autant des comportements altruistes d'autant plus admirables qu'ils viennent d'individus dont la vie est en jeu, que des comportements égoïstes d'instinct de survie.