Wednesday, January 9, 2008

Misère de la richesse

"Nos arrogantes sociétés se conçoivent comme extrêmement riches, méprisant la frugalité de sociétés dites primitives, mais ignorent la destruction de la faune et de la flore, la perte irrémédiable de la biodiversité et de la diversité tout simplement, la disparition des langues, crime contre l'humanité. Elles ne comptent ni le malheur, ni le stress, ni la tristesse, globalement engloutis dans l'allongement de l'espérance de vie d'une existence désespérante. Des milliers d'activités relevant du don de soi ou de l'altruisme ne sont jamais comptabilisées (comment comptabiliser le dévouement des bénévoles dans un incendie, le travail d'une femme au foyer ? D'une mère qui apprend à lire à son enfant ?), comme s'il fallait pénaliser systématiquement tout ce qui est non marchand.[...]
Le savoir est-il un luxe que l'on peut se payer ou l'une des composantes inestimables de l'âme humaine ? Estimer la valeur des découvertes de Pasteur par le chiffre d'affaires de la chimie ou celle d'une pièce de Racine par des ventes éditoriales a quelque chose d'indécent, et pour tout dire... dévalorisant.
Le jour où nous compterons nos destructions dans notre fameux PIB, nous risquons de nous retrouver bien pauvres ! Au bout du compte, la richesse et la valeur produites par nos sociétés ne se justifient que par l'allongement de cette espérance de vie que nous agitons à tout propos, mais rien ne dit que notre vie vaille d'être vécue autant que celle, plus courte, d'autres hommes, dans l'Antiquité par exemple. Et songeons à ceux dont la vie, bien longue, n'est plus que survie. Et à ceux dont l'espérance de vie diminue, en Afrique par exemple.


Bernard Maris, dans l'Antimanuel d'économie. 1. Les fourmis, chapitre "Le partage de la richesse".

2 comments:

Davy said...

Sur ce point je ne suis pas totalement d'accord, grâce à notre consommation faraminuese de pétrole, nous avons tout de même réussi à faire presque disparaître l'angoisse de la famine et des grandes épidémies. Certes il reste des gens qui meurent de faim, mais le gros de la population mondiale mange à sa faim, il y a plus un problème de répartition que de quantité de nourriture produite. pour les épidémies, c'est bien parce que nous sommes angoissés que nous nous inquiétons de la grippe aviaire qui au final fait nettement moins de morts (qqs centaines dans le monde) que la grippe classique (parce que des personnes fragiles n'ont pas accès à des soins qui existent).
Le niveau de vie a réellement augmenté de façon très importante (le français moyen a une bien meilleure santé et donc souffre moins que Louis XIV).
Reste que la TV et les médias donnent envie d'une vie de star, rabaissent les gens qui exercent pourtant un travail honorable, etc.
C'est là que se situe le vrai problème !!!

Cedric said...

C'est vrai qu'il n'y a pas que l'allongement de l'espérance de vie pour justifier notre système économique, mais aussi la réduction de la souffrance causée par les problèmes de santé et de malnutrition.
J'hésitais justement à mettre ce passage dans mon blog, car je trouve que Bernard Maris exagère quand il parle d'existence désespérante (c'est peut-être le cas pour les gens qui se suicident, mais le taux a-t'il augmenté depuis l'Antiquité ?). Mais je l'ai mis quand même pour les passages sur les activités gratuites qui ne sont pas comptabilisées dans le PIB (ce qui me rappelle quelque chose que tu as écrit sur ton blog à propos des gâteaux que te faisaient ta mère), ni les dommages que nous infligeons à notre environnement.