Saturday, January 26, 2008

Recherche et réciprocité

Un argument fondamental contre la direction que le gouvernement français actuel veut donner à la recherche (à savoir diminuer la recherche fondamentale financée par les fonds publiques au profit de la recherche appliquée financée par les entreprises):

"Depuis 1980, date où General Electric réussit à faire breveter un gène, les firmes américaines peuvent breveter le vivant. Depuis, des milliers de gènes sont brevetés, comme ceux prédisposant au cancer du sein. Du coup, les laboratoires rivaux travaillant sur le cancer du sein ne peuvent plus faire d'expérimentation sur ces gènes. La recherche sur le cancer du sein est fortement pénalisée. Certes, la firme ayant déposé le brevet peut arguer du fait qu'elle a dans son équipe le petit génie qui va guérir le cancer du sein. Mais c'est méconnaître une loi fondamentale de la recherche: la masse et la réciprocité.
Pourquoi la Chine fit-elle toutes les découvertes importantes de l'Humanité avant la révolution industrielle ? Parce qu'elle était le pays le plus peuplé du monde, le pays où les apprentissages, les itérations, les erreurs répétées et corrigées et les découvertes étaient plus fréquents qu'ailleurs. De même, pourquoi y eut-il tant de chercheurs géniaux autour d'Einstein (Gamow, Pauli, Schröedinger...) ? Parce que celui-ci ne protégeait pas ses découvertes comme un avare sa cassette. Et pourtant, Einstein savait parfaitement ce qu'était un brevet: il travaillait à l'Office des brevets de Berne et déposa des brevets à titre personnel. Mais ce n'est qu'en communiquant avec les autres chercheurs qu'il avança, et que ceux-ci progressèrent. La science est quelque chose de trop sérieux pour la laisser aux entreprises, guidées par la seule loi du profit à court terme. La recherche n'avance pas de manière masquée. Elle ignore le concept de propriété. Einstein ne s'est jamais cru le propriétaire de ses équations, ni même, modestement, leur inventeur. Il savait qu'il devait trop à ceux qui cherchaient en même temps que lui.*"

* Un chercheur, le docteur Marra, a réussi à séquencer le génome du virus du Sras, laissant espérer un traitement et, pourquoi pas, un vaccin contre cette maladie. Aussitôt, la firme pour laquelle il travaillait a déposé un brevet. Le docteur Marra a refusé d'associer son nom au brevet, arguant de ce que les séquences d'ADN sont des découvertes, et non des inventions et, en ce sens, non brevetables. Chapeau, docteur Marra !

Bernard Maris, dans l'Antimanuel d'économie. 2. Les cigales, chapitre "La revanche de la coopération" (note ajoutée de l'auteur, accentuation en gras personnelle).

1 comment:

danielbroche said...

les gènes en tant que tel ne sont pas brevetables

actuellement les firmes biotech contournent ce point en brevetant bien souvent des procédés d'activation ou d'isolation du gene découvert

Je en suis pas assez expert en la matiere et je suis d'accord sur le fait que cela mérite réflexion et surement une plus grande limitation

mais attention aux mots et raccourcis qui manquent de rigueur aussi

on ne va pas payer non plus de royalties sur chaque bébé sous prétexte qu'il porte tel ou tel gene :-)